En cette fin
des années cinquante, le jazz est déjà en train de s'imposer. Une nouvelle génération
de musiciens ( Sun Ra à Chicago, Ornette Coleman sur la côte Ouest ), souvent
considérés par les puristes comme des agités du bocal, entrainent le genre sur des
sentiers escarpés, truffés de mines et bordés de dangereux précipices. John Coltrane
est loin d'être le dernier à tendre l'oreille à cette "new thing" en pleine
ébullition. Pour l'heure, il signe avec Atlantic le premier vrai contrat qui lui garantit
ne complète liberté artistique.
Les deux ans qui vont suivre, essentiels dans son fulgurant parcours, vont jeter les bases
d'une musique nouvelle, d'un langage neuf. A l'aube des sixties, l'historique "Giants
steps" sonne l'heure de la révolution en marche... Le ton nouveau. Le tempo
diabolique. Les enchaînements inouïs... John Coltrane, d'un coup d'un seul,
arrache une page à l'histoire, pour instantanément en noircir une nouvelle, celle du
jazz qui ne sera désormais plus comme avant. personne n'avait jamais entendu ça avant.
ET si Paris le siffle, lors d'une apparition sur la scène de l'Olympia, la Grosse Pomme
l'acclame, à l'image de ce journaliste du New York Daily News qui n'hésite pas à ecrire
que "l'avenir sort de son instrument". Le mythe est en marche.
D'autant que les fans de l'époque sont loin d'être au bout de leurs surprises. Quelques
mois après le tremblement de terre "Giant steps", ils découvrent en effet, à
l'occasion de la sortie de "My favorite things", nouveau monument du maître, la
photo d'un john coltrane soufflant dans un cuivre droit comme un i et peu familier des
jazzmen de l'époque, un saxo soprano. Dans la quête folle qui le pousse toujours plus
loin, John Coltrane (influencé par Ornette Coleman ou Steve Lacy, un des
rares spécialistes de l'instrument depuis sydney Bechet) s'ouvre à de nouvelles
explorations, à de nouvelles improvisations, toujours plus vertigineuses, toujours plus
audacieuses, en changeant ses habitudes, en se déstabilisant volontairement,. Utiliser un
saxo soprano, "c'est comme avoir une autre main" confie-t-il à ce moment-là.
Et il est vrai qu'à l'écouter dans ses folles avalanches cuivrées, on peut
franchement se poser la question.
Petit à petit déjà, John Coltrane est en train de devenir le chef de file de
l'avant-garde. c'est d'ailleurs le tire d'un album secoué q'il enregistre alors avec le
trompettiste Don Cherry, futur beau-père de Neneh, et grand artisan du free à cetet
époque. Et lorsque dans les accents contrastés de "Olé", dernier épisode de
l'époque Atlantic, Coltrane une fois de plus s'envole vers de nouveaux territoires
inexplorés (dont on a parfois du mal, encore aujourd'hi, à saisir tous les contours), la
confusion est totale et le chantier... immense. Trane, lui, est déjà ailleurs, plus
loin, toujours plus loin. |